Alors que l’État gabonais affiche sa volonté de redresser les finances publiques et de restaurer la transparence budgétaire, plus de 429,1 milliards de FCFA de créances identifiées par la Task Force mise en place par le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) sont actuellement « en cours de traitement » par la Direction générale de la dette. Ce chiffre, colossal, soulève autant de questions qu’il n’apporte de réponses. Car aujourd’hui encore, il est difficile de savoir précisément à quoi correspond ce montant.
Ces créances, consolidées à la suite des audits engagés après le coup d’État d’août 2023, font partie des passifs intérieurs révélés par le processus de clarification engagé par la Transition.

Elles pourraient recouvrir des dettes contractées sans ordonnancement régulier, des engagements extra-budgétaires, voire des opérations financières opaques de l’ancien régime. Mais le flou persiste : ni leur origine exacte, ni leur typologie, ni leur répartition par bénéficiaire ou par ministère n’ont été publiés, malgré leur poids dans les comptes de l’État.
Le Document de Cadrage Macroéconomique et Budgétaire 2026–2028 mentionne bien ces créances, mais sans en faire une catégorie à part entière. Elles sont fondues dans le grand total des arriérés intérieurs, sans plan spécifique de désintéressement, sans échéancier public, sans ligne budgétaire dédiée.
Ce manque de transparence contredit les engagements pris par la Transition en matière de sincérité budgétaire. Il entretient une opacité qui rappelle les dérives du passé, contre lesquelles le CTRI prétendait justement rompre.
La Direction générale de la dette, dirigée par Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, se retrouve au cœur de cette gestion complexe. Certes, l’existence de ces créances est aujourd’hui assumée. Mais leur traitement reste purement administratif, sans calendrier précis ni dispositif de contrôle externe. Pire, aucune communication officielle n’a été faite à ce jour pour expliquer aux citoyens, ou même aux acteurs économiques concernés, la nature réelle de ces dettes. C’est un angle mort dans la gouvernance de la Transition.
Et cette situation devient d’autant plus préoccupante à la lumière de l’ampleur globale de la dette publique gabonaise. À fin juin 2025, l’encours total de la dette dépasse les 8567 milliards de FCFA, dont plus de 3279 milliards de dette intérieure, 1062 milliards de dettes domestiques, 211 milliards d’arriérés envers la CPPF, 113 milliards de rappels de solde aux agents publics, et désormais 429 milliards de créances CTRI non clarifiées.
Ce cumul vertigineux entretient la défiance des partenaires, asphyxie l’économie réelle, et fait planer le risque d’une perte de contrôle budgétaire. Chaque zone d’ombre alourdit le fardeau collectif et repousse les chances d’un redressement crédible.
Dpch
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